Nos meilleures années

Un pur bonheur cinématographique

 


Posté le 04.09.2018 à 14H30


 

Fresque familiale passionnante qui traverse plusieurs décennies, Nos meilleures années est une œuvre subtile aux multiples rebondissements. Réalisé par Marco Tullio Giordana, le film fête cette année son 15ème anniversaire et sera projeté au festival Lumière en présence du réalisateur et de son équipe. Un évènement à ne pas rater.


Après avoir réalisé Les cent pas (où un jeune homme refuse d’intégrer la mafia, malgré l’obstination de sa famille, et mettra alors tout en œuvre pour dénoncer les pratiques de la « Pieuvre »), Marco Tullio Giordana est contacté fin 2001 par Angelo Barbagallo. Producteur attitré de Nanni Moretti (Journal Intime, La Chambre du fils), il propose à Giordana de diriger Nos meilleures années, une série produite pour la RAI. À la lecture du script concocté par Sandro Petraglia et Stefano Rulli (deux scénaristes accomplis qui ont signé Pasolini, mort d’un poète), le cinéaste est séduit par ce portrait d’une génération qui suit une famille italienne et ses proches sur plus de 35 ans. De plus, même s’il travaille pour la télévision, il bénéficie d’une liberté totale quant au casting et à ses collaborateurs, et est exalté à l’idée de travailler pour un rendu aussi long (4 fois 1h30 mms), une durée qu’il ne peut s’offrir au cinéma.

 

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Côté distribution, Marco Tullio Giordana choisit Luigi Lo Cascio (déjà tête d’affiche dans Les Cent pas) et Alessio Boni (Arriverderci amore, ciao) pour incarner les frères Nicola et Matteo Carati, des personnages proches l’un de l’autre mais qui vont partir dans différentes directions (l’un devenant psychiatre, l’autre inspecteur de police). Sonia Bergamasco (qui incarne Giulia, épouse de Nicola qui va s’engager au sein des Brigades rouges), Adriana Asti (la mère de la famille Carati), Jasmine Trinca (elle joue Giorgia, jeune femme placée en clinique psychiatrique pour de graves troubles psychiques), et beaucoup d’autres sont sélectionnés avec une attention particulière par Giordana ; idem pour les figurants. Le cinéaste s’attaque à un long marathon avec près de 240 décors différents sur 24 semaines de tournage dans toute l’Italie (Palerme, Florence, Venise, etc..). Évoquant (parfois même survolant) d’importants évènements du passé (inondations de Florence, « le mai rampant » de 1968, les Brigades rouges, l'assassinat des juges en Sicile par la mafia, etc..), Giordana n’est pas intéressé pas une sorte de diaporama historique, mais lui préfère ses personnages de fiction. Un exercice qu’il aborde comme un seul et unique film.


Une fois monté, Nos Meilleures années doit être diffusé en février sur la RAI, mais se retrouve déprogrammé avec l’arrivée de Berlusconi au pouvoir et ses aspirations à contrôler la télévision publique. Le réalisateur et son producteur décident alors d’aller présenter le film au Festival de Cannes en 2003 ; il se retrouve en lice dans la sélection officielle. Tourné en 16mn, il y est projeté en 35mn dans son intégralité grâce à un transfert du support numérique fait pour la télévision. Ovationné par la critique, Nos Meilleures années emballe la croisette, gagne le Prix Un Certain Regard, et se retrouve distribué en France, Allemagne, Hollande, et aux États-Unis. Giordana n’avait jamais imaginé que cette série TV pouvait se transformer en une extraordinaire aventure cinématographique. Le petit écran italien diffusera finalement le film sur 4 soirées, comme initialement prévu, en décembre 2003.

 

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Sorti en France au mois de juillet de la même année, en 2 parties, Nos Meilleures années passionne un public restreint d’amateurs (239 000 spectateurs, un score tout de même notable) à travers ses inhabituelles 6 heures de projection. Giordana ne marche pas sur les plates-bandes de ses aînés, même si on pense parfois à Luchino Visconti (La Terre tremble, Rocco et ses frères), Marco Bellocchio (Les poings dans la poche) ou Ettore Scola (dans La Famille et aux désillusions de Nous nous sommes tant aimés). Le cinéaste propose une imagerie sensible autour de ces personnages vieillissants mais qui restent fidèles à leurs idéaux passés. Un film d’une rare élégance qui consacre Marco Tullio Giordana comme l’une des grandes figures du cinéma transalpin contemporain. Ce qu’il confirme par la suite avec Une fois que tu es né, Une Histoire italienne et Lea.


Nos Meilleures années au festival Lumière c’est ici.

 

Catégories : Lecture Zen