Saint Jack

Pour Saint Jack, Peter Bogdanovich revient au type de production plus mesurée qui lui avait réussi à ses débuts. Sans vedette internationale, avec un budget restreint, une équipe réduite et un tournage en extérieur, il dépeint un Singapour magnifié par la photographie de Robby Müller. Une ville mystérieuse, avec ses rues grouillantes où déambule Jack Flowers, proxénète incarné par Ben Gazzara, l'acteur favori de John Cassavetes.

Peter Bogdanovich, interprète du "sale type" dans le film, ne signe pas un film à thèse : Saint Jack révèle une ambiguïté, une dualité, qui permettent, selon l’éclairage, une vision positive ou négative.

Quelques années après la guerre du Viêt-nam, de nombreuses accusations sont dirigées contre le gouvernement américain, dont le parrainage de maisons de plaisir à l’usage des soldats en permission. Peter Bogdanovich ne donne pas de portée polémique à son film, mais laisse néanmoins entendre que le président des États-Unis, selon ses mots,  « se déshonorait » : « Je voulais montrer qu’un maquereau peut être plus honorable que le Président. » (Peter Bogdanovich)

Avec ce film, Bogdanovich parvient à se démarquer et échappe aux critiques qui lui reprochaient de n'être qu'un pasticheur. Saint Jack aborde des sujets plus sérieux que ses précédentes réalisations. Et obtient, à la Mostra de Venise, le prix Pasinetti du meilleur film. « Il n’y a rien de neuf, rien d’absolument original et pas seulement au cinéma, dans la littérature ou en art, mais jamais deux feuilles d’un même arbre ne sont pareilles ; ce qui est original dans mes films, c’est moi-même. » (Peter Bogdanovich lors de la conférence de presse à Venise, 1979, in Jeune Cinéma n°123, décembre 1979)