Professeur Hannibal

Avant d'être réalisateur, Zoltán Fábri, né en 1917 à Budapest, est acteur et metteur en scène de théâtre. Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale interrompt brutalement sa carrière, et le marquera dans ses réalisations futures. Les souvenirs de cette période troublée sont sans aucun doute à l’origine de la violence présente dans ses films. Impressionné par Citizen Kane d’Orson Welles, il prend conscience que le cinéma offre une possibilité d’art total, du point de vue de la pensée et de la forme.

Il se lance dans la réalisation avec Tempête, en 1952. Quatre ans plus tard, il met en scène le roman Hannibal ressuscité des morts de Ferenc Móra. Le film sort en octobre 1956, quelques semaines seulement avant l’insurrection de Budapest, révolte nationale contre le gouvernement et sa politique imposée par l’URSS.

Film né à une période charnière de l’Histoire, Professeur Hannibal est le récit d’un héros malgré lui, un homme simple et effacé qui se trouve être soudain l’enjeu de forces et d’intérêts qui le dépassent. Ernö Szabo, comédien de théâtre alors célèbre en Hongrie, livre une interprétation impeccable, toute en finesse et modestie.

Si le film fustige l’intolérance dans la Hongrie dictatoriale des années 1930, il vise aussi le stalinisme : dans un tel contexte socio-historique, Zoltán Fábri ne manque pas d’audace. Bouleversant réquisitoire en faveur de la liberté de pensée, le film défend les droits de l’individu et s’insurge contre toutes les idéologies totalitaires, partout et à toutes les époques.

« À l’heure du choix [des sujets], ce qui décide souvent, c’est ce qui se rapproche le plus de nos idées et de nos conceptions. En travaillant, je me suis peu à peu aperçu qu’un certain élément, toujours le même, vivait dans chacun de mes films : la dignité humaine et les outrages qu’elle doit parfois subir. À l’époque où nous vivons, je crois que la nécessité de protester contre toute inhumanité est un sujet toujours opportun. » (Zoltán Fábri in Jeune Cinéma hongrois, Premier plan n°43, décembre 1966)