D’un film à l’autre

Quand Lelouch revisite son cinéma 


Posté le 11.10.2018 à 10H30


  

Invité d’honneur, Claude Lelouch ouvre le festival Lumière avec Itinéraire d’un enfant gâté. Le cinéaste se raconte aussi à travers D’un film à l’autre, documentaire datant de 2011 et autoportrait sans complaisance, où il revient sur son parcours et ses 50 ans au sein du 7ème art.

En 2011, Claude Lelouch et les Films 13, sa société de production, fêtent leur demi-siècle de cinéma. Le réalisateur français décide alors de monter D’un Film à l’autre, documentaire prévu pour être projeté à sa famille, ses proches collaborateurs et amis. Devant l’enthousiasme provoqué, le metteur en scène sort ce film dans un circuit restreint. Du Propre de l’homme (1961) à Ces amours-là (2011), le réalisateur évoque sa filmographie à travers des extraits, des interviews et des making-of d’époque. Dès les premières images, Lelouch se définit lui-même à travers une course folle tournée pour un court métrage (C’était un rendez-vous). Le cinéaste y traverse Paris en un temps record (9 minutes, temps d’une bobine 35mn), transgresse le code de la route, grillant quelques feux rouges, et ignorant les stops. Une belle entrée en matière tandis que sa voix en off déclare : « J’ai le sentiment que mes 50 années de cinéma ont été jalonnées d’infractions au code cinématographique. Écarts de conduite qui ont provoqué de sacrés polémiques mais aussi des miracles… ». Le ton est donné.

 

Claude-Lelouch-jeanlucmege-5982

 

De la rencontre de ses parents dans un cinéma (devant un film avec Fred Astaire et Ginger Rogers) à ses années d’apprentissage (comme reporter caméraman en URSS, mais aussi à travers ses documentaires pour le service cinématographique des armées), et au metteur en scène confirmé, Lelouch se confesse. Il parle de sa vie privée liée à celle du réalisateur, mais aussi de ses fantastiques rendez-vous avec ses interprètes et le public. Après un nombre important de scopitones (l’ancêtre du clip) et de films publicitaires, le jeune Lelouch reste dans l’ombre malgré déjà quelques longs-métrages (Le Propre de l’homme, L’Amour avec des Si, déjà produits par Les Films 13), tous des échecs commerciaux même si l’accueil critique est favorable pour Une fille et des fusils. Le succès survient en 1966. Un homme et une femme consacre une bonne fois pour toutes son créateur, alors 29 ans au compteur, avec une Palme d’or au Festival de Cannes et deux Oscars (meilleur film étranger et meilleur scénario original, ce dernier remis par … Fred Astaire et Ginger Rogers). Un hasard qui nous rappelle ceux qu’il met en scène. Par la suite, Lelouch tourne régulièrement, enchaîne les réussites (Vivre pour vivre, Le Voyou, L’aventure c’est l’aventure, Les Uns et les autres, Itinéraire d’un enfant gâté, etc.) comme les échecs (Un autre homme, une autre chanceÀ nous deuxEdith et MarcelLa belle histoire). Le réalisateur ne cache rien, heureux de ses triomphes et parlant volontiers de ses revers (qui comme il l’indique lui permettront de rebondir).

Les images sélectionnées pour D’un Film à l’autre parlent d’elles-mêmes. Ces extraits de making-of (ou aussi de reportages pour le petit écran) nous montrent un Lelouch propulsé par une sacrée dose d’énergie. Survolté sur un plateau, le réalisateur-cadreur est partout. Il semble de toute évidence qu’il est le seul à posséder son film et à en connaître la moindre mécanique. On sera aussi ému à la vision de Patrick Dewaere, peu de temps avant son suicide, face à Evelyne Bouix, se préparant pour le tournage d’Edith et Marcel. Et puis il y a les séquences que l’on connaît tous comme celle où l’on retrouve Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée (Un homme et une femme) sur la plage de Deauville, Jean-Paul Belmondo apprenant à Richard Anconina (Itinéraire d’un enfant gâté) à ne plus paraître étonné, le fou rire de Michèle Morgan sous le regard de Serge Reggiani (Le Chat et la souris), ou encore Annie Girardot se livrant à un fantastique monologue face à un Michel Boujenah (Les Misérables) muet et éberlué. De génération en génération, le réalisateur passe ses comédiens en revue et leur rend hommage. Et quel casting ! Lino Ventura, Catherine Deneuve, Jeremy Irons, Patrick Bruel, Jean Marais, Fabrice Luchini, Jean Yanne, Dominique Pinon, Jacques Brel, Pierre Arditi, Béatrice Dalle et tant d’autres sont à la fête. Drôle, lucide, parfois triste, ce documentaire est une sincère déclaration d’amour de Lelouch à ses acteurs, et à sa passion pour le cinéma. À ne pas rater.

Les films de Claude Lelouch projetés au Festival Lumière c’est ici.

Catégories : Lecture Zen