Posté le 19.10.2018 à 11h35
Première apparition pour l’actrice américaine hier soir au Hangar du Premier-Film. C’est dans un français parfait qu’elle a présenté la séance du Retour de Hal Ashby, film engagé qui lui a valu l’un de ses deux Oscars. La récipiendaire du Prix Lumière donnera ce vendredi après-midi une grande master class aux Célestins, Théâtre de Lyon. « Cela fait 50 ans que je n’étais pas revenue à Lyon, et je suis très heureuse de ce retour », a-t-elle confié à une salle transportée par sa présence.
C'est à une icône pour des générations de spectateurs, auréolée de deux Oscars, que revient le 10ème Prix Lumière. Une actrice à la filmographie éblouissante, qui a brillé au firmament d’Hollywood sans jamais renoncer à ses convictions. Deux ans après Catherine Deneuve, Lumière sacre à nouveau une femme d'exception. Elle s’est dite « Over the Moon », sur un petit nuage, en apprenant qu'elle allait recevoir le Prix Lumière.
Copyright Institut Lumière / Bastien Sungauer
Sa carrière l’a menée de Sydney Pollack à Arthur Penn, de René Clément à Roger Vadim, et son tempérament hors du commun lui a fait choisir des rôles puissants, politiques, citoyens, féministes comme dans Le Syndrome chinois de James Bridges, Klute d’Alan J. Pakula, grâce auquel elle gagne son premier Oscar, ou encore Le Retour de Hal Ashby, qui lui en fait décrocher un deuxième. Cette militante engagée contre la guerre du Vietnam, a porté pendant six ans le projet du Retour, qui montre crûment la détresse des soldats de retour du front, mutilés et suicidaires, au moment où l'opinion publique américaine refusait encore de la voir.
Après avoir débuté au cinéma en 1960 avec La Tête à l'envers de Joshua Logan, elle incarne très tôt une farouche indépendance, qui la conduit à jouer dans Maison de poupée de Joseph Losey d’après Henrik Ibsen, ou dans Julia de Fred Zinnemann, avec à la clé de nombreuses récompenses : Golden Globes, Emmy Awards, BAFTA… Son rôle dans On achève bien les chevaux de Sydney Pollack, qui montre l'envers du rêve américain - les cruels marathons de danse de la Grande Dépression -, marque un tournant dans sa carrière.
Tour à tour fragile, forte, mutine ou envoûtante, mais aussi drôle et irrévérencieuse, Jane Fonda est une star internationale, une icône depuis plusieurs décennies, immergée dans les réalités du monde. Engagée, à l'avant-garde de tous les combats démocratiques et civiques, symbole des luttes pour la liberté, l’anti-racisme et la paix, elle est restée une personne intègre, en quête d’elle-même, s'interrogeant sur ses réussites et ses erreurs. Programmé au festival, le documentaire de Susan Lacy, Jane Fonda in Five Acts, en témoigne. Une qualité d'âme qui ne laisse pas ses partenaires indifférents : lui aussi oscarisé pour Le Retour en 1979, son partenaire Jon Voight avait salué sur scène, en larmes, sa « grande dignité, en tant qu'être humain, qui me bouleverse ». À la Mostra de Venise 2017, son complice Robert Redford lui a rendu hommage : « Jane et moi avons une longue histoire dans le cinéma », a-t-il dit. « Tourner avec elle a toujours été facile, les choses se mettaient en place naturellement, nous n'avions pas besoin de beaucoup de discussions et de préparation ».
À 80 ans, elle est encore de tous les combats : en mai elle participait à une montée des marches inédite, 100% féminine, au Festival de Cannes, avec 81 autres stars et femmes du 7e art, dont la présidente du jury Cate Blanchett et la réalisatrice Agnès Varda, pour réclamer l'égalité salariale dans le cinéma. Et lors de la conférence United State of Women à Los Angeles, elle s'est insurgée contre la politique de lutte contre la drogue du gouvernement américain, intransigeante avec les petits consommateurs de drogues douces. À la cérémonie des Oscars, elle portait un badge Time's Up, l'association fondée par 300 femmes influentes d'Hollywood pour défendre les victimes de harcèlement sexuel. Et au Festival de Sundance dans l'Utah, elle a bravé la neige pour prendre la tête de la deuxième Marche des femmes contre Donald Trump. Son dernier film, Book Club, une comédie romantique dont elle partage l'affiche avec Diane Keaton, célèbre les femmes de sa génération qui « savent encore profiter de la vie », dit-elle. En récompensant Jane Fonda, le Festival Lumière célèbre aussi le nom de sa famille, en rendant avec elle un hommage particulier à son père Henry Fonda.
Rébecca Frasquet