Posté le 15.10.2018 à 18h20
Présentant au public du festival Lumière ce grand classique restauré grâce au travail remarquable de la Hollywood Foreign Press Association, le réalisateur français Robin Campillo s'est exclamé : « S'il y avait un film qui méritait d'être restauré, c'est bien celui-là ! ».
Les mots ne pouvaient être plus justes pour décrire cette restauration plus que réussie – une expérience cinématographique intense qui laisse le spectateur pantois, explosion de couleurs et de mouvements d'où se dégage une énergie intense, mêlant innocence et érotisme, à l'image de la danseuse étoile à la chevelure enflammée et aux fameux chaussons rouges.
Fillm Les Chaussons Rouges
Parabole fascinante des exigences destructrices imposées à l'artiste au nom de l'art, le film transporte le spectateur au cœur de l'Angleterre des années 40, puis sur la Côte d'Azur, où la prestigieuse troupe du redoutable directeur Boris Lermontov fait fureur avec sa dernière production, lesdits « Chaussons Rouges ». Dans le rôle de Lermontov, Anton Walbrook est superbe, son visage élégant et expressif traduisant sa dévorante passion pour la danse et son mépris pour tout ce qui est de second ordre.
Moira Shearer est splendide en Victoria Page, ingénue prodige, catapultée au devant de la scène après le départ prématuré de la danseuse étoile de la troupe suite à son mariage – le film est aussi, accessoirement, le portrait d'une époque où le contrat de mariage annulait instantanément toute ambition professionnelle pour une femme. L'inévitable se produit et Vicky tombe amoureuse du jeune et ambitieux compositeur et chef d'orchestre de la troupe, interprété par Marius Goring. Au grand dam de Lermontov pour qui amour et excellence sont incompatibles.
La scène du ballet, aux décors et costumes extravagants, qui commence comme un rêve et se transforme en cauchemar surréaliste, reflet des désirs et des peurs de Vicky, est un chef-d’œuvre de cinéma classique. Michael Powell et Emeric Pressburger signent ici une œuvre incontournable, qui n'a pas pris une ride 70 ans après, à savourer sans retenue.
Lise Pedersen