Posté le 18.10.2018 à 12h29
Orson Welles était joueur. Orson Welles était magique. La preuve : plus de trente ans après sa mort, il sort son nouveau film !
The Other Side of the Wind est comme son auteur, une merveille d'ironie, de farce énorme, de sollicitation non-stop des yeux et des oreilles. C'est une plongée dans un univers où tout le monde a le droit d'entrer, de participer. Au cœur d'un ballet, un brouillard d'hommes, le cinéaste, qui se voudrait toujours démiurge, certes mais dérisoire comme Falstaff, s'amuse à lancer tous ceux qui l'approchent sur des pistes inversées. L'héroïne a la détermination qu'on prête habituellement aux héros. Le jeune premier est un blond incertain comme une innocente petite victime. Le vieux génie tyrannique tente de masquer qu'il n'a plus aucun pouvoir, ni inspiration, et s'égare dans des propos parfois volontairement douteux.
The Other Side of the Wind est en cela une lecture très spirituelle sur la fin des grands studios américains, ceux d'un cinéma âgé et improductif, mais aussi sur le début du Nouvel Hollywood aux valeurs encore inconnues. Au milieu, le cinéaste jette une notion éternelle, indémodable : l'amour à la Welles. Forcément ce sera inattendu et grandiose, une séquence de sexe dans une voiture par exemple jamais vue ni entendue comme ça. La vie explose sous le bruit de la pluie battante, le frottement des perles de lourds colliers sur le corps nu de l'héroïne, les craquements efficaces de son imperméable en caoutchouc, et surtout les souffles humains. Les regards des personnages agités n'en reviennent pas d'être passés du côté de Welles, the other side.
Virginie Apiou