Vincent Lindon

Acte III
 


Posté le 16.10.2018 à 11h00


 

Le flamboyant Vincent Lindon a, de nouveau, conquis le public de la comédie Odéon lors d’une master class épique tenue ce lundi matin. Au menu : imitations de Thierry Frémaux, Claude Lelouch, confidences sur son parcours, hommage à ses pairs... Un échange de près de trois heures avec cet homme de conviction, à la parole libre et au sens de l’humour ravageur. Extraits choisis.


Actu MasterClass Viencent Lindon Jeanluc Mege Photography
© Institut Lumière / Jean-Luc Mège

 

Ne pas s’écarter de la vie

« Il faut des nerfs, être solide, c’est physique comme profession. Et c’est un métier d’une violence incroyable. J’aime les artistes, ce sont des athlètes : on est des hypersensibles, on sent les gens. Mais si on s’enferme, si on ne parle pas aux gens, on s’écarte de la vie. Je connais des comédiens qui ont des vitres teintées, une attachée de presse, un coach, un manager, etc. Plus on met des parois entre nous et les gens et plus on perd du talent. On est des sangsues, on vous pique des trucs. Si on ne vous voit plus, on ne sait plus rien faire ! »

Préparer un rôle

« Pour travailler les rôles, j’ai beaucoup été à l’école Serrault et Sautet : je sais mon texte à la perfection, c’est le stade au-dessus du par cœur. Le naturel passe par un excès de travail. Un acteur doué est bon dans les premières prises, ensuite il y a une déperdition. La réalisatrice Coline Serreau m’a montré un truc (il tient un bouchon le bras levé). Elle m’a dit : « Tu dois savoir ton texte avant que l’objet ne tombe ». Il y a des acteurs qui s’intéressent à la psychologie du personnage, moi je pense que l’habit fait le moine. Mais en dehors des prises, je ne suis pas le personnage. »

Trouver sa place dans le métier

« Je jure que c’est vrai : je n’en reviens toujours pas à chaque fois qu’on prononce mon nom ! Je ne peux pas imaginer, par exemple, qu’il puisse avoir un jour un hommage qui me soit consacré. J’ai le complexe du « À moi, non ». C’est ce qui m’est arrivé à Cannes quand je me suis levé pour aller chercher mon Prix, je me suis dit : « Ce coup-ci, c’est moi ». Ça va être une année bâtarde ! Dans le cinéma français, il y a trois décennies marquées par des familles de réalisateurs et je me suis aperçu que je n’étais passé par aucun d’entre eux, alors que mes potes si. Depuis le début de ma carrière, je n’ai pas arrêté de prendre des itinéraires bis. »

« Des envies de mise en scène »

« Je crève d’envie de faire un film, mais sans jouer dedans. Je crois que je ne saurais pas choisir entre une scène où je serai mieux comme acteur et une scène qui serait mieux pour le film. Il y aussi une autre raison pour laquelle je crois que je ne le ferai pas, c’est que je me suis vraiment battu pour en arriver là. Si je fais un film, connaissant mon côté obsessionnel, ça me prendrait trois ans et demi. Et l’idée qu’il y ait un mec qui prendrait mes rôles pendant ce temps me rend dingue ! Je perds mes cheveux, mais quand je serai vraiment chauve, j’attaque ma première mise en scène ! Je vais essayer d’être le premier acteur très vieux à faire son premier film ! »

Jouer au théâtre

« Le théâtre, j’en rêve, mais j’ai un inconvénient majeur. Il faut être là de 19h à 23h et ce sont mes quatre heures préférées de la journée ! En fait, je crois que j’ai peur d’aimer le théâtre à en crever. Si j’aime trop, je vais vouloir ne faire que ça et l’idée de lâcher le cinéma me rend malade. J’ai peur de quitter cette rive. Mais il y a une pièce que j’aimerais jouer, le problème c’est qu’elle a été déjà faite par des comédiens exceptionnels : c’est le Misanthrope. Être Alceste, ça serait incroyable ! »

Gabin, Delon et Belmondo

« Je suis fou de Gabin, il fait partie des cinq ou six comédiens qui, depuis que le cinéma existe, n’a dit aucune seule phrase fausse. Delon, ce n’est pas le patriarche comme Gabin, ils ont un jeu complètement différent, mais c’est une légende mondiale. Quant à Belmondo, c’est le soleil, la joie. Tout est heureux, gai, chez lui. Delon, c’est le contraire, c’est l’ombre. Les meilleurs sont toujours par deux, c’est comme Ferrari et Porsche. »

Laura Lépine

 

 

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