Le Faux Coupable

Traitant l’histoire d’un homme accusé à tort d’un crime commis par un autre, Le Faux Coupable est un film hitchcockien par essence. C’est dans la presse que le cinéaste trouve son sujet : en 1953,  Herbert Brean relate dans le magazine Life l’histoire vraie de Manny  Balestrero et de son entourage, plongés du jour au lendemain dans une folie judiciaire.

Hitchcock décide de coller aux faits, de ne rien inventer, enjoliver, ni même dramatiser. Les faits, dans ce qu’ils ont de plus bruts, seront son seul fil conducteur. Il décide même de filmer sur les lieux de l’action, le club, la clinique où est hospitalisée Rose, allant jusqu’à faire jouer leurs propres rôles à certains protagonistes réels. Il impose à ses scénaristes de ne rien inventer, reprenant ainsi les mots du vrai Manny Balestrero lors de son arrestation : « Laissez-moi partir ! Ma femme et mes enfants m’attendent.»

Pour camper cet homme aux prises avec une machine infernale, Hitchcock choisit Henry Fonda, parfait "John Doe" au regard hagard. L’acteur livre une interprétation grave, exemplaire, saluée par François Truffaut : « Jamais Fonda ne fut si beau, si grand et si noble que dans ce film où il n’a pourtant rien d’autre à faire que de prêter son visage d’honnête homme qu’illumine à peine un regard triste et clair jusqu’à la transparence. » (Arts, 1^er mai 1957)

Ce film sur l’enfermement, judiciaire ou mental (Rose sombre dans une intense dépression), Hitch décide de le filmer en noir & blanc, penchant vers le néoréalisme et un certain style journalistique, sans effets inutiles. « Jamais Hitchcock ne fut plus près de lui-même qu’avec ce film qui risque cependant de décevoir les amateurs de suspense et d’humour anglais tant il y a peu de suspense ou d’humour, anglais ou autre. The Wrong Man est le film d’Hitchcock le plus pur depuis Lifeboat, c’est le rôti sans la sauce, le fait divers à l’état brut et, comme dirait Bresson, « sans ornements ». […] C’est probablement son meilleur film, celui qui va le plus loin dans une direction qu’Hitchcock a choisi de suivre il y a bien longtemps. » (François Truffaut, art. cit.)