À mon âge je me cache encore pour fumer

Contrainte de quitter l’Algérie dans les années 1990, après le durcissement du régime du Front islamique du Salut, Rayhana arrive en France en 1999 et monte, dix ans plus tard, sa première pièce en langue française À mon âge je me cache encore pour fumer. Un pavé dans la mare qui n’est pas au goût de certains : Rayhana est violemment agressée par des intégristes en plein Paris à la sortie d’une représentation. Elle publie en 2011 Le Prix de la liberté, récit autobiographique dans la continuité de sa pièce. C’est la productrice Michèle Ray-Gavras qui la convaincra d’adapter sa pièce pour le cinéma. Premier long métrage, À mon âge… est réalisé en Grèce, car Alger aurait été, selon la cinéaste, trop risquée pour les comédiennes.

Le film tourné en langue arabe, se déroule dans un hammam, lieu où, selon la réalisatrice, « on s’y purifie le corps, la tête et l’âme. » Dans cet espace protégé qui montre les corps marqués par la violence, les coups, parfois même l'acide, les langues se délient, loin des hommes. Ces neuf femmes donnent à voir la société algérienne - certaines résistent, d’autres se soumettent. Toutes ont une histoire : Louisa, la grand-mère mariée de force lorsqu’elle était enfant à un quadragénaire ami de son père ; Nadia, récemment divorcée, qui savoure le fait d’être seule ; ou bien Fatima qui se purifie du viol quotidien de son mari. « Je donne la parole aux femmes, je parle de sexe, de plaisir, de joies et de souffrances. Je parle de la vie, tout simplement. » (Rayhana)

À mon âge… est le portrait en creux d'un univers féminin, au cœur des vapeurs parfumées de ce théâtre humide. Un plaidoyer pour une féminité libre et combative, où la douceur d'une photographie pastel le dispute au mordant des dialogues.

« Cette palette de personnages répond à une forte ambition politique, celle de redonner la parole aux contemporaines de Rayhana, contrainte de s’exiler d’Algérie car elle était devenue une cible potentielle. » (Vincent Thabourey, Positif n°675, mai 2017)