Au cœur de la vie

En 1961, Robert Enrico tourne le court métrage La Rivière du hibou, adapté de la nouvelle An Occurrence at Owl Creek, de l’auteur américain Ambrose Bierce, récit d’un homme qui, sur le point d’être pendu, s’évade par la pensée. Bien qu’accumulant les récompenses - Palme d’or du court métrage à Cannes 1962, Oscar du court métrage en 1964 -, La Rivière du hibou ne rencontre pas d’autre public que celui des festivals et celui des salles spécialisées, qui y voient pourtant un modèle de fantastique littéraire, d’horreur suggérée et poétique.

L’accueil positif encourage Robert Enrico à réaliser un triptyque, adaptant deux autres nouvelles d’Ambrose Bierce, Chickamauga et The Mocking Bird, et ainsi à montrer l’absurdité de la guerre à travers trois visions : celles d’un enfant (acte 1), d’un adolescent (acte 2) et d’un adulte (acte 3).

S’il tourne son film en France, en décors naturels (la Seine dans la région de Troyes fait office de Mississippi et la Lozère devient l’Alabama), à aucun moment il ne s’éloigne de l’œuvre d’Ambrose Bierce. Il choisit ainsi des acteurs inconnus, des hommes comme les autres, et opte pour le muet, l’image devenant son seul langage.

Bierce, qui participa à la guerre de Sécession alors qu’il n’avait qu’une vingtaine d’années, en resta marqué durant toute son existence. Cette cruelle expérience hanta ses méditations et lui inspira le poignant recueil de nouvelles Au cœur de la vie.

Admirateur de ses écrits, à mi-chemin entre Edgar Allan Poe et Mark Twain, Robert Enrico donna avec ce film la possibilité au public français de découvrir l’auteur encore trop méconnu.

« Ambrose Bierce est un auteur extraordinaire, qui n’a écrit que de courtes nouvelles, mais avec une lucidité sans pareille de la Nature et des choses. Ses récits fourmillent de détails tellement vrais qu’ils sont presque photographiques. » (Robert Enrico)