Biutiful

Alors que ses trois premiers films (Amours chiennes, 21 grammes, Babel) croisaient plusieurs destins au travers de plusieurs territoires, Alejandro González Iñárritu choisit pour Biutiful de raconter un personnage, un parcours, une ville. Aux récits auparavant éclatés succède un récit linéaire, sans enchevêtrement. Le personnage principal est apparu ainsi au cinéaste : « J’ai vu Uxbal comme un être pétri de contradictions : un homme dont la vie est tellement occupée et compliquée qu’il ne peut pas mourir en paix, […] un homme dont tout le monde dépend mais qui dépend aussi des autres ; un homme primitif, simple et humble, doué d’une intuition profonde et extra-lucide. Un soleil entouré de planètes satellites. » (Alejandro González Iñárritu)

Uxbal est un homme complexe. Sa situation est intenable : il est plein de compassion, mais tire également profit de la misère humaine. Il est, pour Iñárritu, « un homme bon dans un monde qui ne l’est pas ». Dans ce rôle, Javier Bardem traîne son physique douloureux et bouleversant dans les rues de son quartier. Une interprétation habitée qui se verra récompensée par le Prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes.

Rien n’est épargné au spectateur : la misère, l’exploitation des émigrés, la maladie, le corps à bout. Barcelone dévoile une face cachée, sombre et tentaculaire, loin de la carte postale touristique. Cette histoire nue est celle d’un requiem, le dernier voyage, celui de la rédemption. Un voyage intérieur nourri par le don d'Uxbal, qui apporte étrangeté et onirisme à une réalité crue.

« Un jour que j’étais à Barcelone, j’ai compris que c’était là que cela devait se passer, que je me retrouvais dans un pays, une atmosphère, qui étaient le contraire de ce qu’on pouvait attendre. Un homme, pendant les derniers mois de sa vie, dans ce milieu d’émigrants. Cela m’intéressait vraiment d’explorer ce thème de la vie de manière intérieure, avec sa tristesse, sa mélancolie, et à travers cela de regarder le monde. » (Alejandro González Iñárritu, Positif n°596, octobre 2010)