Everybody Knows

Everybody Knows est le second film tourné hors de son pays par le cinéaste iranien Asghar Farhadi, après Le Passé (2013), réalisé en France. Il le tourne en Espagne, dans une langue qu’il ne parle pas, avec un casting entièrement espagnol et une équipe en partie locale. Pour lui, ces difficultés ne sont pas un obstacle : « La langue, ce n’est pas juste une succession de mots. Il y a aussi une musicalité dans le langage. Les sentiments que les mots transmettent peuvent être compris. Quand on ment dans une langue, le mensonge transparaît dans le ton, et on peut le sentir. » (Positif n°687, mai 2018)

Asghar Farhadi construit son récit méticuleusement. Le prologue installe une ambiance mystérieuse et angoissante. La scène d’exposition définit les liens des personnages. Des scènes courtes, des impressions, donnent à comprendre les sentiments de chacun, sa position dans le groupe. Puis le scénario bascule : l’événement ordinaire, la fête de mariage, tourne au drame avec l’enlèvement de la fille de Laura. La mécanique implacable de Farhadi n’est pas sans rappeler celle déjà mise en place dans son À propos d'Elly (2009).

Si le cinéaste réalise un film loin de son Iran natal, il n’en explore pas moins ses thèmes familiers. Dans cette communauté villageoise de l'Espagne viticole, le drame révèle à chacun ses propres failles. Les secrets enfouis, les non-dits refont surface, le soupçon est universel. Autopsiant les couples, celui de Laura et de son époux Alejandro, mais aussi celui de Laura et de Paco (formidable Javier Bardem, tout en sobriété), tout en dressant le portrait des femmes du clan, Farhadi dissèque les mécanismes humains.

Interrogé par Nicolas Bauche et Grégory Valens sur les sujets qui irriguent toute son œuvre, comme les crises familiales, le cinéaste explique : « La cellule familiale est source d’une infinité de sujets. Dans une famille, il y a des hommes d’âge différents, les gens se parlent sans aucune contrainte. […] La famille est le reflet de l’ensemble d’une société. Quand on connaît bien une famille, on peut deviner ce qui l’entoure. » (art. cit.)