Dans les années 1950, le wuxia - genre littéraire traditionnel qui relate les combats de valeureux chevaliers – est de nouveau en vogue en Chine. Publié en feuilleton, il devient très populaire. Aussi, devant l'énorme succès, au même moment, des chambara, les films de sabre japonais, les studios Shaw Brothers décident d’adapter le genre à la culture chinoise. Commence alors une période faste : l’âge d’or du wu xia pian.
L’Hirondelle d’or est l’un des tous premiers wu xia pian du studio et très certainement son plus brillant mètre-étalon. Artiste accompli et grand amateur de l’Opéra de Pékin, le cinéaste King Hu s’inspire de l’opéra Le Mendiant ivre. Mais, en prenant ses distances avec l’histoire originale, il révolutionne le genre. Jusque-là, les actrices chinoises, quoique stars du cinéma national, étaient cantonnées à des rôles sages et romantiques. King Hu décide que son héros sera une héroïne, valeureuse et intrépide, déguisée en homme - la production ne croit pas à ce personnage féminin. En choisissant Cheng Pei-pei, une éblouissante actrice de 19 ans, employée des studios, pour incarner son Hirondelle, le cinéaste choisit une danseuse et non une actrice de film de chevalerie.
L’Hirondelle d’or bouscule tout : avec une mise en scène élégante, des combats chorégraphiés comme des ballets, une pointe d’humour, une recherche formelle et visuelle qui prend le pas sur l’histoire, King Hu signe un film considéré comme un chef-d’œuvre du wu xia pian. Ses combats, à la mise en place lente où les adversaires se jaugent avant un déferlement de violence saccadée, seront des sources évidentes d’inspiration pour d’autres cinéastes comme Tsui Hark, Ang Lee ou Quentin Tarantino.
« L’efficacité scénique des combats est prolongée par l’habileté d’un metteur en scène qui travaille très étroitement avec son directeur d’arts martiaux, Han Ying-chieh, et dans la salle de montage. […] King Hu est un artiste solitaire qui s’attache à réaliser des films comme autant de projets autonomes qu’il suit du début à la fin, avec un grand souci de reconstitution historique. » (Hubert Niogret, Dictionnaire du cinéma asiatique, sous la dir. d’Adrien Gombeaud, Nouveau monde). King Hu s’impose ici comme auteur et non seulement metteur en scène des Shaw Brothers. Après des différents avec la firme, King Hu part pour Taïwan afin de tourner en toute indépendance.
L'Hirondelle d'or (Da zui xia)
Hong Kong, 1966, 1h31, couleurs, format 2.35
Réalisation : King Hu
Scénario : King Hu, Ye Yang
Photo : Ho Lan-Shan
Montage : Chiang Hsing-Loong
Musique : Chow Lan-Ping
Décors : Johnson Tsao
Direction arts martiaux : Han Ying-chieh
Production : Run Run Shaw, Shaw Brothers
Interprètes : Cheng Pei-pei (Chang Hsuan-yen, Hirondelle d’or), Yueh Hua (Fan Ta-p'I, Chat ivre), Yang Chih-Ching (Tiao Chin-tang), Chen Hung Lieh (Ting Chung-yu), Han Ying-Chieh (un bandit), Shen Lao (Wu Pao)
Sortie à Hong Kong : 7 avril 1966
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