Au moment où la production de La Chatte est lancée, Henri Decoin et son équipe doivent faire face à une exceptionnelle levée de boucliers, de la part d'ayants droit, d'auteurs, d'éditeurs, de producteurs, qui lancent une déferlante de recours contre le film et contre son titre. Le cœur de l’affaire est de savoir si Decoin adapte ou non la vie de Mathilde Carré, résistante devenue espionne pour l’ennemi, et condamnée pour trahison. Decoin s’éloigne de la vérité historique et convainc le Comité d’action de la Résistance de laisser sortir son film, en contrepartie d’un carton au générique : « Il ne peut être question de retrouver dans le film la personne qui a défrayé la chronique sous l’identité de Mathilde Carré ». Sans doute Decoin paye-t-il encore sa "collaboration" avec la Continental Films.
Le cinéaste recrée avec La Chatte un univers noir et dépeint la France des années 1940 et ses dangers à tous les coins de rue. Pour Raymond Chirat, « c’est là sans doute ce qu’il faut le plus admirer dans ces scènes rapides, haletantes, tournées en photos dures et contrastées : cette puissance, cette netteté dans l’évocation des années noires. » (Henry Decoin, 1890-1969, Avant-Scène du cinéma/Anthologie du cinéma, 1973).
Mais Decoin va plus loin, et mêle intelligemment l’aventure et le drame intérieur, se détachant du contexte pour se concentrer sur ses personnages tourmentés, pris entre deux feux. Le jeune critique Jean-Luc Godard ne s’y trompe pas : « En sacrifiant volontairement le pittoresque au conflit intérieur, et surtout en se rendant compte que c’était la seule chose à faire pour ne pas s’embarquer dans l’éternelle galère des films sur la Résistance, Henri Decoin a réussi à donner à son film d’aventures l’aspect d’une méditation sur l’aventure. Au fil de la projection, Françoise Arnoul devient de plus en plus émouvante dans son personnage de jeune femme aussi impénétrable qu’une héroïne de Bresson. […] Chaque scène progresse par elle-même et l’on passe d’une séquence à l’autre sans ces éternels "plans de raccords" qui ont failli mener le cinéma français à sa ruine. Le découpage est vif et plaisant. L’allure générale est celle du documentaire romancé, d’un constat d’où le pathétique naît d’autant facilement qu’il n’est pas recherché avec outrance. Les effets sont réussis parce qu’ils sont rares et traités avec une sécheresse qui ne manque pas de pudeur. » (Arts, 30 avril 1958)
La Chatte est un grand succès commercial, ce qui amènera Henri Decoin à signer une suite, La Chatte sort ses griffes, deux ans plus tard.
La Chatte
France, 1958, 1h48, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Henri Decoin
Assistant réalisation : Michel Deville
Scénario : Henri Decoin, Jacques Rémy, Eugène Tucherer, d’après l’ouvrage éponyme de Jacques Rémy
Dialogues : Jacques Rémy
Photo : Pierre Montazel
Montage : Claude Durand
Musique : Joseph Kosma
Décors : Lucien Aguettand
Costumes : Gladys de Segonzac
Production : Eugène Tucherer, Élysée Films, Les Films Metzger et Woog
Interprètes : Françoise Arnoul (Cora Massimier, dite la Chatte), Bernard Blier (le capitaine Debrun), Bernhard Wicki (Bernard Werner), Kurt Meisel (le capitaine Heinz Muller), André Versini (Henri), Roger Hanin (Pierre), Louison Roblin (Bernadette), Michel Jourdan (Olivier), Harald Wolff (le colonel Richting)
Sortie en France : 18 avril 1958
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