La légende veut qu’Orson Welles, ruiné, demanda à Harry Cohn, président de la Columbia, de lui confier la réalisation d’un polar en contrepartie de quelques milliers de dollars rapidement versés. Ce qui est certain c’est que Welles ne garda presque rien du roman policier de Sherwood King If I Die Before I Wake, et qu’il se vit imposer la star du studio, la flamboyante Rita Hayworth, à ce moment-là toujours son épouse, bien que le couple soit séparé. Le cinéaste décide alors de déconstruire l’image de Rita, et sous l’œil de photographes convoqués pour l’occasion, il lui coupe sa longue et célèbre chevelure auburn. C’est avec une chevelure courte et blonde que l’actrice endosse un rôle de femme froide et perdue.
La Dame de Shanghai est le dernier film "presque libre" de Welles. Harry Cohn interviendra tout de même, supprimant les trouvailles sonores et amputant le film d’une heure. Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier résument : « Orson Welles dans le labyrinthe d’une intrigue à dormir debout qu’il transforme en un cauchemar éveillé et conclut dans un fracas de miroirs brisés. » La Dame de Shanghai est fascinant, onirique et cauchemardesque à la fois, mais surtout énigmatique. Le danger y est partout, l’atmosphère asphyxiante. C'est une improvisation inquiète sur un thème rebattu que Welles, avec son génie, a émaillé de séquences visuellement incomparables.
« Aujourd’hui adulé des cinéphiles, le film est, déjà à l’époque, salué par certains critiques. […] Mais il fut cependant un échec commercial retentissant, le public étant dérouté par ce que Welles avait fait de la star… L’agonie de Rita Hayworth dans le film signe-t-elle la destruction de son mythe, en même temps qu’elle enterre son idylle avec Welles ? Peut-être, mais, comme l’a écrit l’historien et critique de cinéma Jacques Siclier : "Rita Hayworth n’a jamais été aussi belle que dans The Lady from Shanghai, allongée sur un rocher, pendant une baignade en mer ou courant dans la nuit mexicaine, vêtue d’une robe blanche féerique. "» (Antoine Sire, Hollywood, la cité des femmes, Actes Sud/Institut Lumière)
La Dame de Shanghai (The Lady from Shanghai)
États-Unis, 1947, 1h28, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Orson Welles
Scénario : Orson Welles, Sherwood King, d’après le roman If I Die Before I Wake de Sherwood King
Photo : Charles Lawton Jr., Rudolph Maté
Musique : Heinz Roemheld
Montage : Viola Lawrence
Décors : Wilbur Menefee, Herman Schoenbrun
Costumes : Jean-Louis
Production : Orson Welles, Columbia Pictures
Interprètes : Rita Hayworth (Elsa Bannister), Orson Welles (Michael O'Hara), Everett Sloane (Arthur Bannister), Glenn Anders (George Grisby), Ted De Corsia (Sidney Broome), Erskine Sanford (le juge), Gus Schilling (Goldie), Carl Frank (le procureur Galloway), Louis Merrill (Jake), Evelyn Ellis (Bessie), Won Show Chong (Li), Sam Nelson (le capitaine du yacht)
Sortie en France : 24 décembre 1947
Sortie aux États-Unis : mai 1948
Restauration par Sony Pictures.
Ce site nécessite l'utilisation d'un navigateur internet plus récent. Merci de mettre à jour votre navigateur Internet Explorer vers une version plus récente ou de télécharger Mozilla Firefox. :
http://www.mozilla.org/fr/firefox