La Horde sauvage

Sam Peckinpah, scénariste et réalisateur, a débuté aux côtés de Don Siegel. Il s’est éteint seul, dans son camping-car, au beau milieu des montagnes californiennes, après une vie aussi mouvementée que son œuvre. Ne filmant que les dérives de son pays, il est devenu un véritable mythe de l’histoire du cinéma américain.

En 1969, il filme La Horde sauvage et bouleverse le genre. Le tournage constitue une expérimentation totale : 3642 plans filmés, six caméras, des métrages hallucinants de pellicules à monter, un passage de 24 à 60 images/seconde afin de pouvoir faire des ralentis exceptionnels… La Warner prend peur.

Le cinéaste filme un monde à la charnière entre deux époques. Ses gunfighters sont à bout de souffle. L’Amérique des héros et du sens de l’honneur est morte, le pessimisme des idéaux et le relativisme moral irriguent tout le film.

La Horde sauvage fait scandale à sa sortie. On qualifie de gratuites certaines scènes d’une brutalité inédite (le carnage de la scène d’ouverture n’épargne personne, ni femmes, ni enfants). Peckinpah filme sans filtres ce déferlement de violence, en réaction à une certaine esthétisation de celle-ci dans le cinéma américain.

Avec ce film fiévreux au montage sec, à la mise en scène brillante, Peckinpah signe un western aux résonances politiques (désillusion des utopies 60’s : Viêt-nam, émeutes raciales, mort de Martin Luther King) qui fera date dans le cinéma moderne.

« En pleine guerre du Viêt-nam, La Horde sauvage, œuvre contestataire, ne donne rien moins à voir que le mythe américain où de simples tueurs deviennent des justiciers. C’est pourquoi Peckinpah estimait qu’il n’avait pas besoin de tourner de film sur le Viêt-nam : le western suffit à représenter les mensonges de l’Amérique. Le cinéaste, en vrai "maverick", s’associe à la révolte de ses personnages au moment de cette explosion libertaire de violence. Politiquement incorrect, il vise, au-delà de la seule dictature, la menace des libertés et les égarements totalitaires de son propre pays à travers la fiction qu’il assassine.» (François Causse, Sam Peckinpah, la violence du crépuscule, Dreamland)