La Vie privée d’un sénateur

Révélé par L’Épouvantail, Palme d’or du Festival de Cannes 1973, Jerry Schatzberg explore ici les effets dévorants du pouvoir. Ce cinquième long métrage, dont le titre original The Seduction of Joe Tynan évoque la part de séduction de l’homme dans les cercles privés et publics, met en lumière un politicien devenu objet de toutes les sollicitations.

Peu à peu, rattrapé par la soif du pouvoir, Joe Tynan devient responsable des drames qui surviennent autour de lui, et se révèle totalement incapable de maîtriser les crises, aussi bien personnelles que politiques. Jerry Schatzberg fait basculer son film dans l’intime, aidé par des acteurs justes, Meryl Streep dans le rôle de la maîtresse et Alan Alda – également scénariste – dans celui du sénateur.

Si le monde politique sert de toile de fond, ce qui intéresse Jerry Schatzberg, c'est avant tout l’exploration de l’individu : « Je ne parle pas de la politique en soi mais de la mécanique, de la manipulation d’un sénateur par d’autres sénateurs… Je raconte comment Joe Tynan peut doucement glisser d’un véritable libéralisme de gauche à une série de compromissions… Psychologiquement, La Vie privée d’un sénateur est le portrait d’un homme en crise. »

Abordant le thème de l’éclatement d’une famille, Jerry Schatzberg montre qu’il n’y a pas de "coupable" dans cette histoire ; le triangle amoureux est victime des circonstances de la vie. Ce qui explique l’absence de singularité dans le déroulement du film : au fond, c'est un drame du quotidien qui se joue.

« Je ne pense pas que le rapport entre deux individus soit du domaine du conte de fées. Je crois qu’il est très difficile, qu’on doit sans arrêt y travailler et que si on décide de le maintenir, c’est à la suite d’un choix, parce qu’on n’en a pas trouvé d’autre plus satisfaisant. Si on préfère le poursuivre, il faut s’interroger sur sa nature, sur ce qui le rend à la fois difficile et merveilleux. » (Jerry Schatzberg, in Schatzberg, De la photo au cinéma, Michel Ciment, Chêne/Hachette)