Le Livre d'image

Quatre ans après Adieu au langage pour lequel il avait reçu le Prix du jury, ex-aequo avec Mommy de Xavier Dolan, Jean-Luc Godard revient en compétition cannoise avec Le Livre d’image. « Rien que le silence, rien qu’un chant révolutionnaire, une histoire en cinq chapitres, comme les cinq doigts de la main. » : Remakes / Les Soirées de Saint-Pétersbourg / Ces fleurs entre les rails, dans le vent confus des voyages / L’esprit des lois / La région centrale, puis L’Arabie heureuse.

Le Livre d’image, pourtant au singulier, rassemble toutes les images du monde, d’un monde en guerre depuis toujours. C'est aussi une réflexion sur le monde arabe, un film sur le chaos mondial, un discours d’urgence. Le film révolté d’un homme de 87 ans, narrateur, qui a parfois le souffle court,  de son film.

Jean-Luc Godard cherche depuis toujours à redéfinir ce qu’est le cinéma. Il transforme les fragments de matériaux bruts, les transfigure. Ici il expérimente particulièrement le son, Le Livre d’image s’écoute autant qu’il se regarde. Le film sera récompensé d’une Palme d’or spéciale par le jury cannois, adoubant un artiste sans concession.

« Il y a un moment où le Festival atteint un point culminant et semble comme se renverser sur lui-même. […] C’est ce point-pivot qu’on attend en descendant sur la Croisette, celui à partir duquel on sort apaisé et on se dit qu’on pourrait rentrer à Paris, parce qu’on a vu. […] Cette année, ce furent les dernières minutes du Livre d’image de Godard, hallucinantes, dans une fin à rallonge où le cinéaste semble ne plus vouloir finir, et creuse toujours plus profond comme s’il pouvait dire, comme Beckett, qu’il cite encore et toujours, « ça y est, j’ai fait l’image ». Dans un aller-retour dément de la bande-son, la voix enfle toujours plus fort, l’écran devient noir, et l’émotion monte jusqu’à des cimes jamais atteintes. […] En sortant de la salle, notre gratitude était immense. » (Stéphane Delorme, Cahiers du cinéma n°745, juin 2018)