Le Quartier du Corbeau

D’abord comédien de théâtre sous la direction d’Ingmar Bergman, Bo Widerberg se lance dans la réalisation en 1963 avec Le Péché suédois, puis Le Quartier du Corbeau la même année.

Par opposition au cinéma de Bergman qu’il qualifie de "vertical", avec un regard toujours dirigé de bas en haut, des hommes vers Dieu, ou de haut en bas, de Dieu vers les hommes, son cinéma se veut "horizontal", tourné vers les hommes, de face. S’intéressant aux problèmes sociaux, il puise son inspiration dans les luttes quotidiennes du prolétariat.

Il ancre ainsi son récit en 1936, date à laquelle la Suède était confrontée à la montée du fascisme durant les élections, et situe son action dans un milieu extrêmement pauvre, celui de chômeurs sans perspectives d’avenir.

Son héros, Anders, interprété par Thommy Berggren - également comédien au théâtre sous la direction de Bergman -, veut devenir écrivain et couche ainsi sur le papier son quotidien et la vie de famille. « J’ai pris pour héros un jeune ouvrier, qui désire se consacrer à la littérature, parce que les années 1930 virent éclore toute une pléiade d’écrivains prolétariens, dont l’influence fut considérable. » (Bo Widerberg, Jeune Cinéma n°73, septembre 1973). S’il parle peu, Anders est de ceux qui crient si fort que personne ne les entend. Il prend conscience d’une nécessité atroce : fuir.

Film sur ceux qui s’arrachent à la résignation, Le Quartier du Corbeau dépeint ces personnages avec une grande méticulosité, dénuée de toute condescendance.

« Le Quartier du Corbeau est un très bon film naturaliste et sa principale qualité est, à mes yeux, la constante justesse de ton qu’il manifeste : aucune complaisance dans la noirceur mais du goût et de la mesure dans l’expression et une pénétrante sympathie humaine qui ne laissepas d’étonner chez un si jeune auteur. » (Marcel Martin, Cinéma 64 n°87, juin 1964)