« Parmi les "pères", il en est cependant un que les Cahiers du cinéma vénèrent par-dessus tout : Nicholas Ray. S’il ne devait y avoir qu’un seul nom pour incarner le cinéma, ce serait le sien. […] Les Cahiers y reviennent toujours : Ray est le cinéma. » (Antoine de Baecque, Les Cahiers du cinéma, À l’assaut du cinéma (1951-1959), Cahiers du cinéma).
Pour sa seconde collaboration, après Les Ruelles du malheur (1949), avec Nicholas Ray, Humphrey Bogart à la fois acteur et producteur, incarne un homme violent accusé à tort. Le film est une adaptation du roman de Dorothy B. Hugues dont l’exergue, signé J.M. Synge (L’Ombre de la vallée), fait l’effet d’annonce : « C’est dans les endroits solitaires qu’on doit pouvoir parler à quelqu’un et chercher quelqu’un, à la tombée de la nuit. »
Tandis que le titre français souligne le thème, le titre original In a Lonely Place évoque celui de la solitude, qui selon George Pelecanos, scénariste, entre autres romans, de la série The Wire, décrit l’état mental de l’artiste.
Si Le Violent a tout du film noir – des stores vénitiens à la fumée de cigarette – il laisse entrevoir une dénonciation de l’usine hollywoodienne, où le scénariste, qu’interprète le Bogart des grands jours, n’est jamais flatté. Dans la dernière scène, Bogart s’éloigne et sort de la vie de Gloria Grahame, en murmurant ces quelques vers : « Je naquis lorsqu’elle m’embrassa / Je mourus lorsqu’elle me quitta / Je n’ai vécu que quelques semaines / Celles où elle m’a aimé » Cette ultime réplique, à double sens, suggère un désamour d’Hollywood.
Le film est également le reflet de la rupture entre le réalisateur et Gloria Grahame qui venaient de se séparer en secret. Le Violent explore la nature de l’amour, de la violence et des deux réunis. « Tout en décrivant la crise du vieil Hollywood, il l’inscrit au cœur de son propre style. Il dépeint la crise de l’amour dans la période de l’après-guerre, il met en scène les préoccupations sentimentales réelles de ses créateurs hollywoodiens et, d’une manière générale, exploite les tensions apparues à cette époque dans la mythologie américaine de l’amour parfait. » (Dana Polan, Le Violent, Les éditions de la Transparence)
Le Violent (In a Lonely Place)
États-Unis, 1950, 1h34, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Nicholas Ray
Scénario : Andrew Solt, adapté par Edmund H. North d’après le roman éponyme de Dorothy B. Hughes
Photo : Burnett Guffey
Musique : Morris Stoloff, Ernest Gold, George Antheil
Montage : Viola Lawrence
Décors : William Kiernan
Costumes : Jean Louis
Production : Robert Lord, Santana Pictures Corporation, Columbia Pictures
Interprètes : Humphrey Bogart (Dixon Steele), Gloria Grahame (Laurel Gray), Frank Lovejoy (Brub Nicolai), Carl Benton Reid (le capitaine Lochner), Art Smith (Mel Lippman), Jeff Donnell (Sylvia Nicolai), Martha Stewart (Mildred Atkinson), Robert Warwick (Charlie Waterman), Morris Ankrum (Llyod Barnes), William Ching (Ted Barton), Steven Geray (Paul), Hadda Brooks (la chanteuse), Alice Talton (Frances Randolph), Jack Reynolds (Henry Kesler), Ruth Warren (Effie), Ruth Gillette (Martha), Guy Beach (Swan), Lewis Howard (Junior), Arno Frey (Joe)
Sortie aux États-Unis : 17 mai 1950
Sortie en France : 8 juin 1951
Restauration 2018 par Sony Pictures Entertainment aux laboratoires Roundabout Entertainment, Cineric, Inc., Deluxe Audio Services, et L’Immagine Ritrovata, à partir d'un négatif nitrate original 35mm.
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