Le Voyage à Lyon

Après des études de sociologie et d’histoire de l’art, Claudia von Alemann entre à la Haute École de réalisation cinématographique d’Ulm et tourne quelques films dans les années 1960 (dont un sur mai 1968). En novembre 1973, avec la réalisatrice Helke Sander, elle organise le premier séminaire international du film de femmes à Berlin-Ouest.

Le Voyage à Lyon est une expérience. À travers les déambulations d’Elisabeth, qui suit les traces de Flora Tristan, une auteure féministe, la caméra tente de concilier objectivité et subjectivité.

Mêlant bruits et impressions, le film montre la jeune femme dans la gare des Brotteaux déserte, mais animée par une présence sonore. Puis elle oscille entre quais de Saône et Presqu’île, un magnétophone à la main – le son étant porteur de vérité. À la recherche du Lyon qu’a connu son modèle, elle se laisse absorber par le réel, l’ambiance, les bruits, les odeurs, la nourriture. Quitter l’intellect pour se laisser porter par le ressenti ; Elisabeth explique : « J’ai été historienne, mais je ne veux plus le faire. Je ne veux pas rechercher des choses qu’on sait d’avance. »

Claudia von Alemann nous offre un récit de voyage sans apprentissage, et s'interroge sur l’impossible reconstitution du passé. Un portrait d’une ville, de ses habitants et de leurs habitudes à une période donnée, une photographie instantanée de ce qui n’est plus.

« La ville n'est plus monuments mais habitants : changement radical de la représentation urbaine à l'écran. Alemann exauce les vœux d'un Grémillon : "L’expression cinématographique […] me paraît peu liée à cette fraude internationale des monuments historiques – qui si elle donne une personnalité officielle aux grandes villes n’exprime pas les mille visages populaires que [la ville] prodigue aux cœurs de ceux qui l’aiment." » (Philippe Roger, Lyon Lumière des ombres, 100 ans de cinéma, Lugd)