« Couleur du temps : trois mots qui renferment le charme et la fragilité de l’œuvre d’Henry Decoin » déclarait Raymond Chirat. Drame intime, Les amoureux sont seuls au monde emprunte son beau titre à la valse que compose Gérard pour sa femme. Sur fond musical, d’après une partition composée par Henri Sauguet, Decoin signe une chronique amoureuse qui touche au mélodrame.
C’est Henri Jeanson, éminent scénariste-dialoguiste de Pépé le Moko ou d’Hôtel du Nord, qui prête ici sa plume. Il insuffle au film un peu de son esprit de boulevard, de sa poésie simple et rieuse. Les dialogues abondent, pleins d’esprit, truffés de mots d’auteur et de charmantes trouvailles, à l’image de cette scène d’ouverture où le couple Favier rejoue sa première rencontre, et où le spectateur découvre, progressivement, les liens amoureux des personnages.
Alors que Decoin entrevoit pour son film une fin tragique, les producteurs, pour satisfaire un public étranger, lui imposent un happy end. Auteurs et producteurs ne parvenant pas à s’entendre sur un dénouement, Decoin décide de tourner deux conclusions à son film. Curiosité de l’époque, les deux fins alternatives sont soumises à l’appréciation du public, lors de projections spéciales à l’issue desquelles un vote est proposé au spectateur.
Film discret, Les amoureux sont seuls au monde est une œuvre pleine de charme, portée par l’admirable présence de son acteur principal : « Louis Jouvet, détendu, nuancé, mûrissant, donc mélancolique, glorieux mais vulnérable, allait, de ce pas souverain vers un dénouement qu’on avait voulu double [...]. Dans les deux cas, il restait l’impérial Monsieur Jouvet. » (Raymond Chirat, Henry Decoin, 1890-1969, Avant-Scène cinéma/Anthologie du cinéma, 1973)
Les amoureux sont seuls au monde
France, 1948, 1h40, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Henri Decoin
Scénario : Henri Jeanson
Photo : Armand Thirard
Montage : Annick Millet
Musique : Henri Sauguet
Décors : Émile Alex
Production : Jacques Roitfeld, Raymond Borderie, C.I.C.C.
Interprètes : Louis Jouvet (Gérard Favier), Renée Devillers (Sylvia Favier), Dany Robin (Monelle Picart), Philippe Nicaud (Jules Picart), Fernand-René (Michel Picart), Léo Lapara (Ludo)
Sortie en France : 15 septembre 1948
Remise en état du négatif nitrate original qui avait très mal vieilli (traces de moisissures, perforations arrachées). Puis restauration numérique du film orchestrée par François-Régis Viaud chez L21, qui a représenté 300 heures de palette graphique.
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