En août 1940, Henri Decoin se voit proposer un contrat au sein de la toute nouvelle société de production Continental Films. Créée par un producteur allemand, Alfred Greven, ami de Göring mandaté par Goebbels, la société bénéficie des seuls capitaux allemands. Il hésitera un moment avant d’accepter comme d’autres cinéastes de renom (Carné, Tourneur…). C’est au sein de la firme que naît Premier rendez-vous, première production Continental à sortir sur les écrans.
Sitôt Premier rendez-vous terminé, Henri Decoin enchaîne avec son second film pour la Continental, Les Inconnus dans la maison. Le cinéaste se voit proposer l’adaptation de ce roman de Georges Simenon, écrit en janvier 1939 et publié en octobre de l’année suivante. Henri-Georges Clouzot, alors à la tête du service des scénarios de la Continental, est en charge du script, et Raimu est choisi pour endosser le rôle principal. Mais un conflit éclate entre le cinéaste et Greven.
Decoin : « Un des principaux héros du roman, Luska, l’assassin, était juif ; je demandais à ce que Luska ne fût pas juif dans le film. Bauermeister [directeur de la production] m’avoua que si Greven avait acheté le roman de Simenon, c’était à cause du personnage de Luska, ce sale petit Juif, que jamais il ne consentirait à débaptiser Luska. » (in Christine Leteux, Continental Films, La Tour verte). Le cinéaste confie à Clouzot son « écœurement de mettre à l’écran un petit Juif dans un rôle antipathique, un rôle d’assassin, à l’heure où, en France, tous les Juifs étaient martyrisés. » (op. cit.) Greven refuse et décide dans un premier temps de remplacer Decoin à la mise en scène. C’est Raimu qui intercède en faveur du cinéaste. Les accrochages entre Decoin et Greven seront alors réguliers. Le tournage est tendu et Greven dépêche sur place un homme chargé de surveiller Decoin, guettant tout propos anti-allemand qui pourrait le faire tomber.
Sorti en pleine Occupation, le film est un succès. C'est une remarquable adaptation de Simenon, plongeant le spectateur dans une atmosphère sinistre, noyée sous une pluie lugubre et oppressante. Les Inconnus dans la maison est une remarquable étude psychologique des mœurs provinciales et bourgeoises, un véritable pamphlet social. Son morceau de bravoure ? Le procès et la plaidoirie de Loursat, qui, dans un accès de lucidité et comme un défi, abandonne son mutisme et se lance dans le procès de ses semblables. Decoin passe avec ce film de la comédie charmante à un réalisme bien plus sombre.
Les Inconnus dans la maison sera quelque temps interdit à la Libération, ainsi que Le Corbeau, de Clouzot et La Vie de plaisir d'Albert Valentin.
Les Inconnus dans la maison
France, 1942, 1h40, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Henri Decoin
Scénario & dialogues : Henri-Georges Clouzot, d’après le roman éponyme de Georges Simenon
Photo : Jules Krüger
Musique : Roland Manuel
Montage : Marguerite Beaugé
Décors : Guy de Gastyne
Narration : Pierre Fresnay
Production : Alfred Greven, Continental Films
Interprètes : Raimu (Jacques Loursat), Juliette Faber (Nicole), Gabrielle Fontan (Fine), Héléna Manson (Mme Manu), Tania Fédor (Mme Dossin), Marguerite Ducouret (Angèle), Jean Tissier (Ducup), Jacques Baumer (Rogissart), Noël Roquevert (le commissaire Binet), André Reybaz (Emile Manu), Jacques Grétillat (le président des Assises), Lucien Coëdel (Jo), Marc Doelnitz (Edmond Dossin), Jacques Denoël (Marcel Destrivaux), Marcel Mouloudji (Ephraïm Luska), Raymond Cordy (l'huissier aux Assises)
Sortie en France : 16 mai 1942
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