Les Intrigantes

Adapté d’un roman de Jacques Robert (auteur, entre autres, du célèbre Marie-Octobre porté à l’écran par Julien Duvivier en 1959), Les Intrigantes est un film discret dans la filmographie d’Henri Decoin. Sur le papier, c’est un film policier : un mort, un complot, un innocent accusé à tort. Pourtant, le film effectue des échappées, avec quelques histoires d’amour et des pointes de comique assez marquées, à travers les personnages clairement caricaturaux campés par Robert Hirsch, Jacques Charon et Louis de Funès, censés représenter le milieu du théâtre. Ce curieux mélange des genres ne fut pas du goût du critique Jacques Doniol-Valcroze : «  Au moment où nous allons nous laisser prendre aux données policières du récit, on nous convie brusquement à une étude psychologique sur le cas du personnage que joue Jeanne Moreau, et quand, l’effet d’étonnement passé, nous allons nous intéresser à elle, on l’abandonne pour nous raconter une autre histoire où intervient Etchika Choureau, etc…, jusqu’à un dénouement qui n’est ni policier, ni romanesque. » (Cahiers du cinéma n°35, mai 1954)
Les Intrigantes est pourtant un film efficace, à la mise en scène léchée, où règne une atmosphère de complot et de non-dit. Et puis, il y a Jeanne Moreau. À travers ce personnage double de Mona, épouse exemplaire prenant le relais de son époux, mais aussi femme grisée par le pouvoir et dont l’ambition s’éveille, elle inaugure son personnage mythique de femme libre et forte. Un rôle moderne qu’un certain J.P. de Paris Presse (9 avril 1954) n’apprécia guère. « [Les Intrigantes] est aussi la violente satire de l’arrivisme de la femme moderne, cette intrigante que l’homme a eu la naïveté de laisser devenir son égale… et en fin de compte sa supérieure. » Il n’était apparemment pas encore acceptable qu’une femme puisse être aussi ambitieuse, et retorse, qu’un homme…