Notre musique

« Il y a une idée que j’ai en commun avec Anne-Marie Miéville, faire des triptyques : un passé, un présent, un avenir ; une image, une autre image et ce qu’il y a entre, ce que j’appellerais la vraie image, la troisième personne, comme la Trinité. Et j’appellerais bien la troisième personne l’image, celle que l’on ne voit pas et qui vient de ce qu’on a vu, de ce qu’on va voir. […] Et puis quand je suis allé à Sarajevo, manifestement c’était le Purgatoire. Ils ont eu l’Enfer, maintenant c’est le Purgatoire, le Paradis, je ne pense pas qu’ils l’auront. » (Jean-Luc Godard, Le Monde, 13 mai 2004)

Il est des films que l’on redoute de commenter pour ne pas en trahir l’impact. Notre musique en fait assurément partie. Des images fortes, des cadrages parfaits, un montage dont Godard a le secret. Notre musique donne à ressentir physiquement ses trois mouvements, empruntés à La Divine Comédie de Dante. De l’Enfer au Paradis en passant par le Purgatoire, cet essai sur l’état du monde interroge les guerres, la politique, l’actualité, le conflit israëlo-palestinien, et l’humanité qui semble être née pour mettre fin à ses jours. Et dans Sarajevo, lieu « où une réconciliation semble possible », la réflexion est collective. Rencontres, échanges, interviews, conférences. Le champ-contrechamp est le dialogue.

Mêlant documentaire et fiction dans ce film métaphorique sur la reconstruction après le chaos (l’image du pont de Mostar est saisissante), Godard travaille l’Histoire et le langage – les images, la parole, les écrits - : se parler pour se comprendre.

« C’est un poème, un manifeste sur la nécessité de la poésie, de la parole au moins, dans le fracas du monde, et en même temps ce sont les images, agencées, montées de la main d’un grand maître, qui parlent. C’est du cinéma, un hymne ardent au cinéma, un précipité de Godard, une chimie qui n’appartient qu’à lui. » (Danièle Heymann, Marianne, 17 mai 2003)