Un gigantesque espace transformé en dancing, sombre, clos, un maître de cérémonie arrogant, des spectateurs impatients de voir les danseurs s’écrouler dans l’arène, comme jadis aux jeux du cirque, des centaines de personnes prêtes à danser des jours durant dans l’espoir de décrocher la prime de la victoire, ou au moins d’être nourries et hébergées le temps du concours. L’image est saisissante.
Publié en 1935, au cœur de la Grande Dépression, le roman d’Horace McCoy fut un véritable coup de poing. En l’adaptant au cinéma plus de trente ans plus tard, le cinéaste Sydney Pollack réussit pleinement à faire ressentir au spectateur, dans sa chair, une crise qui laissa sur le bord du chemin des centaines de milliers d’Américains.
Dans un unique décor oppressant, réplique de l’Aragon Ballroom de Lick Pier en Californie, isolé du reste du monde, Pollack filme la folie désespérée d’une société en perdition. La misère et la pauvreté sont devenues spectacle. Le suspense s’affiche en lettres capitales près du compteur : « Combien de temps tiendront-ils ? » Les laissés-pour-compte enchaînent les épreuves dont celle, atroce, du derby, course folle où tous les coups sont permis pour éviter l’élimination, filmée en temps réel par le cinéaste placé au cœur de la foule.
On achève bien les chevaux a une force rare. Celle de la révolte sourde de Gloria, désenchantée, épuisée de danser et finalement de vivre.
« C’est un suspense atroce, asphyxiant. Rarement le passé aura été "vécu" avec une telle acuité, une telle présence. La crise de 1929 ne sera plus désormais une notion historique abstraite. Elle se résumera dans cette interminable gambille de larmes, de sueur et de poussière. […] N’hésitons pas à dire qu’un film qui charrie une telle émotion se passe de rhétorique militante. Les faits parlent d’eux-mêmes. Jane Fonda l’a compris. Dents serrées, toute de rage et de feu, au rebours de ses derniers rôles, elle justifie sa récente prise de position. Il suffit de la voir pour comprendre sa sincérité. Et sa force. » (Michel Mardore, Le Nouvel Observateur, 31 août 1970)
On achève bien les chevaux (They Shoot Horses, Don't They ?)
États-Unis, 1969, 1h58, couleurs, format 1.85
Réalisation : Sydney Pollack
Scénario : James Poe, Robert E. Thompson, d'après le roman éponyme d’Horace McCoy
Photo : Philip H. Lathrop
Musique : Johnny Green
Montage : Fredric Steinkamp
Décors : Harry Horner, Frank McKelvy
Costumes : Don Feld Chorégraphie : Tom Panko
Production : Robert Chartoff, Irwin Winkler, Palomar Pictures
Interprètes : Jane Fonda (Gloria Beatty), Michael Sarrazin (Robert Syverton), Susannah York (Alice), Gig Young (Rocky), Red Buttons (le marin), Bonnie Bedelia (Ruby), Michael Conrad (Rollo), Bruce Dern (James), Al Lewis Turkey), Robert Fields (Joël), Severn Darden (Cecil), Allyn Ann McLerie (Shirl), Jacquelyn Hyde (Jackie), Felice Orlandi (Mario), Art Metrano (Max), Gail Billings (Lillian), Maxine Greene (Agnès), Mary Gregory (l'infirmière), Robert Dunlap (l'étudiant), Paul Mantee (Jiggs), Madge Kennedy (Mrs. Layden)
Sortie aux États-Unis : 10 décembre 1969
Présentation au Festival de Cannes : mai 1970
Sortie en France : 2 septembre 1970
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