Scènes de la vie conjugale

Replié sur l’île de Farö (où il a fait construire une maison qu’il partage avec Liv Ullmann durant quelques années), Bergman écrit et poursuit son œuvre. Parfois dans la difficulté : Cris et chuchotements, réalisé en 1971, peinait à trouver un distributeur, avant d'être salué comme un chef-d'œuvre à sa sortie en 1973. Il se tourne alors vers la télévision, dont le format correspond à ce qu’il veut traiter : la vie de couple.

Après Cris et chuchotements, où le silence est roi, Bergman s’abandonne au vertige de la parole. Contraint par un budget limité, il tourne rapidement, dans des décors rudimentaires, dont un studio qu’il a créé dans sa grange. Le résultat est d’une force incroyable.

Deux êtres qui, dix ans durant, s’attirent, s’affrontent, se blessent et se reconstruisent. On assiste à la métamorphose d’un couple à première vue modèle, disséqué sans fausse pudeur, à l’aide d’images saisissantes et de dialogues ciselés. L’œuvre est diffusée à la télévision suédoise en six fois cinquante minutes, avec une audience record : plus de trois millions de personnes (plus du tiers de la population) regardent les derniers épisodes. Bergman effectuera un montage réduit de ces six chapitres pour en faire un film - un de ses plus grands succès publics, près d'un million de spectateurs en France.

« Avec Scènes de la vie conjugale, Bergman livre le noyau brûlant, dénudé, de son œuvre, dépourvu de toute fioriture, de tout artifice. Voilà le sujet à l’état pur, la source qui a toujours alimenté son cinéma, les corps qui s’attirent, se repoussent, le désir contre le respect de soi, le sexe face à la lâcheté. La dégradation des âmes par les années, au fil des échecs et des compromis. La solitude à l’heure du bilan. Pas de récit ni de formalisme : la vie palpite dans ce film comme rarement au cinéma. » (Olivier Assayas, Conversation avec Bergman, Cahiers du cinéma)