Trouble Every Day

En 1980, Claire Denis tourne un court métrage avec Vincent Gallo et souhaite écrire pour lui un long métrage inspiré par sa présence si particulière. Quelques années plus tard, le photographe canadien Jeff Wall fait parvenir à la cinéaste l’un de ses livres, qui reproduit des scènes du quotidien où plane un danger inqualifiable. Raymond Bellour décrira le faux calme froid du travail de Wall ainsi : « L’image trop fixe semble animée de tout le grouillement qui se propage dans sa profondeur ».

Une réflexion qui hantait Claire Denis depuis de nombreuses années et que son film illustre. « Il s’agit de s’aventurer au-devant d’une forme, qu’on ne connaît pas : lorsqu’on s’en approche, le film lui-même propose une sorte de plongée, à travers une construction esthétique, vers un domaine plus profond, plus mystérieux. » (Claire Denis)

Elle s'entoure de son équipe habituelle, faisant de nouveau appel à Agnès Godard, qui compose une photographie sourde et blafarde. Et elle confie la musique, particulièrement envoûtante, au groupe britannique Tindersticks, qui avait déjà réalisé la bande originale de Nénette et Boni (1996). « Je crois que nous rejoignons le travail de Claire dans ce refus d’expliciter les choses, nous préférons les laisser vivre. » (Stuart Staples, leader des Tindersticks)

Passionnée par l’étude des corps, Claire Denis identifie, dans Trouble Every  Day, la passion sexuelle à la dévoration. Béatrice Dalle est la première atteinte de cette étrange maladie qui la pousse à manger ses amants. Dans des scènes terrifiantes, la réalisatrice filme l’assouvissement de cette pulsion et évoque la violence intérieure enfouie en chacun de nous. « Chaque être possède en lui-même quelque chose qui le dépasse. Quelque chose d’inavouable. La libido pourrait être une de ces "maladies" dont il serait très difficile de se détacher, et que l’on pourrait encore et toujours tenter d’analyser sans jamais y parvenir. » (Claire Denis)