Walkover

1964. Jerzy Skolimowski, encore étudiant à l’École nationale de cinéma de Lodz, réalise Signe particulier : néant, et se met scène dans le rôle du jeune Andrzej. Il débute avec ce film la trilogie des aventures d'Andrzej Leszczyc dont Walkover constitue le deuxième volet, avant Haut les mains ! (1967, mais interdit jusqu'en 1981).
Quelques heures de la vie d’un jeune homme. La caméra de Skolimowski suit son personnage, toujours en mouvement dans une frénésie de rencontres, sans jamais avancer réellement. Walkover fait le portrait d’un homme entre l’agitation de la jeunesse et la résignation future devant le monde adulte. Et lorsqu’on lui parle de film autobiographique, le cinéaste conteste : « Bien sûr, j’ai fait l’âne, j’ai été exclu des études, il m’est arrivé de sauter du train, mais il y a d’autres thèmes dans mes films. On y va, dort, aime, on languit, ce sont là des données biographiques universelles, non seulement les miennes. » (Jerzy Skolimowski, Jeune Cinéma n°8, juin-juillet 1965). Pour lui, son film « vise à rendre compte du paysage mental du héros ».

Jerzy Skolimowski est une figure majeure du nouveau cinéma polonais, part importante des nouvelles vagues qui déferlent alors sur le cinéma mondial. Il bouscule les habitudes, les codes de mise en scène. Walkover est un film vif, sec, à l’humour grinçant, teinté de cynisme et d’absurde. Dans chaque plan éclate une véritable force. « Aucune dramatisation ici, aucune logique apparente des sentiments ni des actes, des bribes de phrases saisies au vol, des visages aperçus, des directions soudain prises puis aussitôt abandonnées, un refus délibéré de toute progression comme de toute articulation et ce, à l’intérieur d’un récit linéaire quoique riche en digressions. Nous sommes loin pourtant d’une morne expérience zavattinienne, puisqu’ici tout est filtré, réfléchi par une conscience à laquelle nous sommes liés. Tout a donc une signification, même si les apparences sont trompeuses. » (Michel Ciment, Positif n°77/78, juillet 1966)